Une quête

Crategos poussa de lourdes portes.
Enfin la grande salle, elle était superbe, mièvre à souhait, richement décorée, le travail de professionnels à n’en pas douter. Là bas, un promontoire, impeccable ! se dit-il.

Vérifiant son masque une dernière fois, lissant la soie de sa chemise, il se dirigea vers l’estrade en se faufilant parmi la foule.
Une fois dessus, il fit face aux convives déguisés.

Mes bien chers amis, nous voici réunis pour fêter l’amour. Mais tout d’abord permettez-moi de prendre un instant pour vous inviter à songer aux organisateurs. Je tiens, avec vous, à les féliciter ! A ces mots, Crategos sortit de son manteau une petite bouteille d’hypocras, l’ouvrit et la vida en une gorgée. A leur santé !

Voyez-vous, je suis présentement devant vous pour une raison car ce bal m’incommode dans son principe. Aussi je comprendrai que vous m’en vouliez pour ce que je vais faire et c’est pourquoi je vous présente d’ores et déjà mes plus plates excuses.

En fait, quand je dis que je n’aime pas le principe de ce bal, c’est pour une raison. J’aime une dame voyez-vous. Pardon, je gaffe déjà, je voulais dire que je suis fou d’elle mais attention fou au point d’en mourir, vous savez. Elle est ma passion, ma joie, mon premier rayon de soleil à l’aube, mon étoile à la nuit tombante. Comment dire avec ces mots si faibles qui composent notre parler ? L’ivresse dont je suis gagné quand elle pose le regard sur moi ferait rougir les plus braves piliers de taverne des Royaumes. Mon cœur bat au rythme du battement de ces cils, je respire à chacun de ses sourires, mes rêves n’arrivent plus à égaler la perfection des moments passés en sa compagnie.
Je m’égare pardonnez-moi. En fait voilà, nous nous sommes rencontrés ou plutôt croisés fortuitement dans une taverne à Saint-Aignan, rien à priori dans nos passés respectifs ne devait nous amener à nous rapprocher. Mais un soir, alors que j’étais sous les jupons d’Ananou, elle a poussé la porte de la taverne. Un regard offusqué fut son premier à mon égard, pour se transformer en curiosité. Elle connaissait bien ma filleule et m’en voulait terriblement pour le mal que je lui avais fait. De curiosité, son regard est passé au mépris. Une dame de caractère, qui ne démord pas facilement et qui va au bout des choses. Elle et moi têtus, le duel était inévitable. Cependant, je n’imaginais pas que nous en viendrons à ce point. Nous nous sommes donc battus avec les armes, violemment, sans foi ni loi un soir en taverne. Une gorge entaillée à faire rompre les artères, un bras ensanglanté, tel fut le résultat macabre de notre rencontre. On ne se connaissait pas, ce qui ne nous empêcha pas de nous battre comme deux ennemis qui se seraient maudits une éternité entière. Une telle situation cocasse ne laisserait personne indifférent. Aussi, après avoir pansé nos blessures, nous avons appris à nous connaître. Vous savez quoi ? Nous avons appris à nous apprécier. Elle avait des ambitions, la dame…Ouvrir une forge, aider son prochain, une taverne et j’en passe. En bon ennemi, je l’ai aidée, conseillée sur le choix des enclumes, celui des marteaux, des soufflets, de la température du brasier qui en passant à l’allure d’une flamme de bougie par grand vent et sous les trombes d’eau comparé au feu qui m’anime quand son chant caresse mes oreilles. Donc je disais l’avoir aidée, je suis ainsi, de fil en aiguille, devenu son parrain pour le meilleur et pour le pire. Sa forge est un succès à n’en pas douter mais une de ses grandes réussites est aussi l’ouverture de sa taverne ! En effet, elle est fréquentée à toute heure du jour et de la nuit, son ambiance est la meilleure que je connaisse de loin. Si vous saviez comme je suis fier d’elle…
Mais je m’égare, ensuite elle s’est investie en politique dans le conseil municipal de Saint-Aignan, elle y a fait des prouesses sans conteste.

Crategos marqua une pause et regarda alentour la magnifique salle et respira profondément.

Oui des prouesses, vraiment.
Nous avons voyagé également. Les voyages sont beaux, enrichissent, mais avec elle, ce voyage aurait fait pâlir de jalousie les découvreurs de l’Atlantide. Je veux dire par-là qu’aucune découverte de trésor ne saurait égaler la douceur de sa compagnie, la splendeur de ses émerveillements.

Revenu, je lui ai fait la promesse d’aider les gens à mon tour. Avec l’énergie qu’elle a fait naître en moi, j’ai créé un parti politique, le BERRY. J’ai renoué des liens forts avec ma première filleule dont les retrouvailles furent émouvantes.

C’est ainsi qu’en parcourant le Berry, nous nous sommes à nouveau querellés mais avec cette fois une brutalité qui nous avait tous deux abandonnés.
Aussi, je vous en supplie, aidez-moi à la retrouver parmi vous. Elle est éclopée depuis sa chute en taverne avec Johanara et peine à marcher et blessée par mes propos d’il y a quelques jours. Je sors de l’hospice, je ne sais si je vais survivre à ma blessure, aussi il faut que je lui parle, il faut que mon cœur lui parle afin qu’il s’offre définitivement à elle.

Je vous parlais de stupidité dans le principe de ce bal, je vais vous expliquer. Je ne suis pas un amoureux anonyme, j’aimerais que la terre entière soit au courant car c’est ce que je souhaite à vous tous, Berrichons, hommes et femmes de tout horizon. Je ne me cacherai donc plus d’avantage car je ne veux pas me tromper en embrassant une autre ce soir, car je n’en ai pas honte. Je l’admire, je la vénère, elle est…

Crategos sourit derrière son masque.

…parfaite.

Après ses mots, Crategos jeta son masque à terre.

Je suis Crategos, pour ceux qui ne me connaissent, et viens à vous ce soir afin de retrouver celle qui fait que je suis moi, que je suis là. Cherchez donc parmi vous une dénommée, Aldara la Rouge, ma survie en dépend et…j’espère la sienne. Aidez-moi, je n'y arriverai seul, je vous en conjure.

Crategos se tut toisant la foule du regard, inquiet des réactions que son comportement déplacé allait susciter.

Cher ami vous n'avez pas besoin de notre aide !!!!!!!!!!!!! Si votre discours est sincère, votre Dame viendra seule à vous !!!! Une femme a beau avoir du caractère si elle aime son Homme plus que tout, en entendant des paroles comme vous venez de les citer elle viendra en face vous demander des excuses !!!! Un discours c'est joli mais le regard ne se croise pas et tout le monde peu mentir avec des mots.... seul le regard ne ment pas .... Je suis certaine que votre Dame vous prendra à part et vous demandera des explications et des excuses en face.... si ce n'est pas le cas c'est que vous l'avez profondémment blessé et que votre amour n'a plus lieu d'être.

Votre discours est émouvant cela m'a beaucoup touché alors que je ne vous connais même pas alors il devra particulièrement toucher votre Dame, votre Moitié si elle vous aime encore !!!!

Je vous souhaite de tout coeur Bonne Chance mon Ami

Elle espère que ses paroles feront réfléchir ce Messire à ses actes mais aussi Dame Aldara et lui montrer que son Homme l'aime plus que tout : un discours en public comme ca il faut avoir le courage de le faire (s'il ne l'aimait pas pourquoi se ridiculiser ainsi ---> Ce Messire ne veut vraiment pas perdre sa Dulcinée....)

Ben mon colon... t'es mal barré....

Je serais toi je finirais le travail commencé, je me tailladerais les veines, sauterais d'un toit, ou encore me saoulerais, m'énivrerais de ce que la dame me prive.

Sinon, ben je pense que là... Viens boire un coup, ça te feras du bien... au fait trop bien le costume, on a un mal fou à devinez qui tu es!

Térence entend un homme qui parle tout seul et un attroupement se créer. Il avance, à pas mesuré, comme toujours et écoute. Norf! Quelle magnifique déclaration! Avant de s'adresser à l'homme sur l'estrade, il regarde l'ange bourré.
"Et bien mon brave, je vous pensais de meilleure constitution. Ce que dit cet homme est courageux et plein de douceur. Seriez-vous jaloux qu'on ne vous fasse telle déclaration?"
Puis se tournant vers l'homme sur l'estrade:
"Croyez-vous qu'il soit sain de toujours sa battre ainsi quand on s'aime? Vous l'avez sans doute rendue bien malheureuse, votre Aldara pour la pousser à de telles extrémités. Moi qui suis de Saint Aignan, je la connais bien La Rouge, je vais souvent dans son Auberge et je sis d'accord avec vous, on s'y amuse. Ce n'est pas une femme violente, en apparence, elle est joyeuse mais se cahce derrière un voile grossier, qu'elle ferait bien de jeter au feu soit dit en passant."

Térence se rend compte soudain qu'il a pris la parole devant tout le monde, qu'on le regarde même. Il rougit sous son masque, esquissant un geste familier de la main et repart à reculons en s'excusant.

Si vous en voulez de la déclaration, je peu n'en faire une! Mais là, pas de spectacle, pas de mots choisi, rien que de l'émotion... Parce que quand on aime, on ne se querelle pas, on s'efface, on parle.

A toi, ma tendre, ma chère envolée.

Quand sur le firmament étoilé nous allions, mains dans la main, nous fichant des regards que nous croisions, des gloussements que nous entendions, je vivais. Quand hiver et printemps nous voletions, ensemble à l'unissons, je vivais. Quand derrière les buissons nous nous embrassions, cachant à l'environ la passion, je vivais. Merci de cette vie, merci de cette énergie. Aujourd'hui, c'est fini, mais aujourd'hui, encore je vis. Différemment, loin de toi, encore je vis. Je vis, pour te voir, un jour, un soir. Non pas dans un quelconque espoir, de te serrer une fois encore contre moi. Non, je n'ai que l'envie de te voir vivre, sourire à la vie croquer de tes dents si belles, les pommes qui te ravissent.

Je t'ai aimé, je t'aime encore. Mon amour enfui, mon amour enfoui.